Les dépendances : le revers de la médaille de l’ère numérique

Bien que les experts démontrent que tout stimulus peut conduire à la formation d’une dépendance, la société a tendance à diaboliser certaines habitudes plus que d’autres, en particulier la consommation d’alcool et de drogues. Certains d’entre nous sont peut-être plus enclins à développer de mauvaises habitudes, mais personne n’est complètement à l’abri. Quelle est la cause de nos dépendances? Les scientifiques affirment que c’est le désir d’échapper à des sentiments inconfortables ou à des émotions négatives. Et c’est un phénomène auquel nous sommes tous confrontés.

Du 2 au 8 mai 2022, c’est la semaine de la santé mentale, et cette année, le thème est l’empathie. Il s’agit de comprendre les sentiments et les expériences d’une autre personne. Parfois, il s’agit de faire preuve d’empathie envers soi-même. En apprendre davantage sur les dépendances comportementales et briser la stigmatisation aide à développer un état d’esprit empathique qui peut façonner notre mentalité individuelle et collective sur les défis de la santé mentale et de la consommation de substances. Intéressons-nous à un comportement qui a tendance à être considéré comme moins important : la dépendance numérique. Prête attention aux similitudes qu’il existe entre les différentes dépendances comportementales; tu peux appliquer l’empathie et des techniques à d’autres habitudes.

Nous vivons dans un monde numérique, et alors que nous sommes confrontés à la réalité d’une pandémie, la vie numérique a pris le devant de la scène. Lorsque les habitudes deviennent automatiques, elles peuvent devenir incontrôlables. Prenons les médias sociaux, par exemple. Cela peut te faire te sentir mal, mais il est courant de les consulter dans les files d’attente, les moments libres et la chambre à coucher. Nos habitudes ne se limitent pas à Facebook et Instagram. Certains d’entre nous remplissent et vident des paniers de commande à emporter fantaisistes dans l’application Uber Eats pour des restaurants situés dans un rayon de 1 km, en ignorant les légumes qui protestent dans le réfrigérateur. Nous posons à Google toutes les questions futiles qui nous passent par la tête. Le fait de bien avoir en tête les habitudes qui régissent notre quotidien peut constituer une certaine leçon d’humilité. Il est utile de savoir comment fonctionne le cerveau; savoir que nous sommes biologiquement programmés pour le plaisir, l’auto-apaisement et l’évasion nous aide à avoir conscience de nos schémas mentaux. La lumière entre lorsqu’un petit espace la laisse passer : les dépendances n’arrivent pas qu’à un certain type de personne.

Selon la définition du DSM, la chose à laquelle nous sommes dépendants provoque des envies irrépressibles et des pulsions. Elle s’immisce dans nos relations, notre vie professionnelle et nos loisirs, et il est difficile d’y mettre fin. Prends un moment et fais une liste de comportements qui correspondent à cette définition. Tu cherches peut-être à te retenir, mais il est devenu courant de consulter son téléphone tout en faisant de l’exercice, en parlant à ses proches, en prenant son repas ou en promenant son chien. Ce comportement automatique peut se produire n’importe où : au milieu de la nuit, aux toilettes, au cinéma et au volant. Il est difficile de lutter contre l’excitation que provoque une notification.

Si tu t’aperçois que tu peux faire défiler l’écran de ton téléphone intelligent durant tout un épisode de ton émission de télévision préférée, il est possible que tu ressentes de la honte, mais tu ne devrais pas. La honte, malheureusement, est un sentiment que l’on retrouve fréquemment chez les personnes dépendantes. La docteure Anna Lembke, psychiatre et spécialiste des dépendances à Stanford, déclare : « Nous sommes presque tous dépendants à une “drogue numérique” ou une autre, et elle implique en général l’utilisation d’un téléphone intelligent ».

Si tu ne sais toujours pas si tu fais partie de ce groupe, donne-toi du temps. Même les chercheurs et les spécialistes des dépendances ont mis du temps à s’intéresser à cette tendance. Ils étaient tellement habitués à traiter principalement l’alcool et les drogues, mais en y regardant de plus près, les similitudes étaient indéniables. Parlons de certaines d’entre elles.

Voici quelques faits concernant les comportements numériques :

  • en moyenne, un utilisateur de téléphone intelligent ne passe pas plus de deux heures sans consulter son téléphone;
  • il/elle déverrouille son téléphone plus de 50 fois par jour;
  • il/elle fait glisser l’écran avec son doigt 2 617 fois;
  • 26 % des accidents de voiture aux États-Unis sont liés à l’utilisation d’un téléphone intelligent;
  • le Dr Potenza, psychiatre à Yale, affirme qu’un patient sur quatre qui vient le consulter souffre d’une dépendance numérique;

Lorsque les clients envisagent d’apporter des changements à leurs habitudes de consommation, les cliniciens les guident fréquemment à travers un exercice précis pour les aider à renforcer leur décision. Tu peux considérer cet exercice comme une liste pour/contre améliorée. Il permet au client d’examiner les avantages de son habitude et ses inconvénients. Cela permet aux gens d’agir. Pour de nombreux clients, lorsqu’ils font cet exercice, cela leur permet de savoir quelle voie ils souhaitent emprunter et, parce qu’ils trouvent des sources de motivation plus profondes, ils sont plus persévérants pour surmonter les difficultés et ont tendance à obtenir de meilleurs résultats. Tu devras peut-être beaucoup réfléchir pour trouver les raisons profondes qui te motivent, mais tu ressentiras un sentiment de conviction lorsque tu les auras identifiées.

Plusieurs d’entre nous veulent se sentir moins stressés et surstimulés. Nous voulons réduire notre impulsivité, faire preuve de gentillesse et nous connecter au moment présent. Nous voulons peut-être passer plus de temps avec nos amis et notre famille, et nous dédier davantage à nos passions et nos loisirs. La bonne nouvelle? C’est réalisable. Les dépendances comportementales volent des heures de notre journée. Il est temps de reconquérir le calme et les moments précieux qui s’écoulent de façon anodine avec une consommation inconsidérée, mais il est normal qu’il ne soit pas facile de réduire sa consommation.

Et si mes amis et ma famille pensent que je suis moins disponible?

Et si je ne suis plus dans le coup?

Si je quittais les médias sociaux, est-ce que l’on m’oubliera?

Comment puis-je lutter contre ma dépendance si je passe plus de huit heures par jour en ligne pour mon travail?

Alors, comment faire pour réduire sa consommation? La culture populaire a répandu l’idée que l’abstinence est la seule option possible, mais plusieurs personnes trouvent leur compte dans la « réduction des risques ». Tu as probablement entendu dire que si tu essayes d’arrêter de fumer, le nombre optimal de cigarettes est de 0. Les glucides sont légèrement différents. Bien qu’ils puissent avoir des effets néfastes sur le tour de taille, l’humeur et l’énergie, l’objectif en matière de glucides ne consiste pas tant à les bannir qu’à modifier ta consommation. C’est plus subtil; les experts conseillent de privilégier les glucides complexes plutôt que les glucides simples. Les communications numériques entrent dans la même catégorie que les glucides. À une époque où des actes routiniers et essentiels comme les opérations bancaires se font en ligne, il est difficile de se passer d’un écran. L’objectif est de créer des limites saines, des techniques d’adaptation solides et d’identifier ses envies irrépressibles et ses déclencheurs pour choisir une réponse comportementale plus utile.

À mesure que les experts se familiarisent avec les attributs des différentes dépendances comportementales, la hiérarchie entre les écrans, les jeux vidéo, l’alcool et les drogues s’aplatit. Ce sont des prédateurs qui fonctionnent de la même manière; ils se nourrissent de dopamine et s’attaquent aux circuits de récompense et de plaisir du cerveau. Johann Hari souligne que la connexion est le contraire de la dépendance, ce qui rend le temps passé devant un écran encore plus compliqué. Nous nous connectons à nos collègues, nos amis et notre famille par le biais d’appareils, mais nous perdons notre capital social : la coordination et les émotions échangées avec nos interlocuteurs sociaux grâce au contact visuel. Cet aspect de la connexion nous sépare des autres.

On pourrait penser que les dépendances numériques sont plus bénignes que les substances, mais les faits démontrent que les habitudes numériques peuvent avoir de graves conséquences sur la santé. L’excès de temps passé devant un écran peut conduire à la dépression et à l’anxiété. Les habitudes numériques peuvent activer des sentiments de détresse et exacerber les TOC et le TDAH. Le téléphone intelligent peut décimer notre capacité d’attention et peut nous rendre nerveux et agités lorsque nous l’oublions pour aller faire des courses.  Pour ceux qui connaissent la sensation de vulnérabilité que procure le fait de se promener sans téléphone, cela peut ressembler à sortir sans pantalon. C’est là qu’on se rend compte que Steve Jobs a eu un fort impact sur notre neurobiologie.

Tout n’est pas si sombre. S’il y a une chose qui ressort des recherches récentes sur les dépendances liées aux substances, c’est que le cerveau est malléable, impressionnant de résilience et de volonté. Voici donc quelques conseils et astuces fondés sur des données factuelles qui peuvent te donner la motivation de te lancer dans le premier mois de ta transformation numérique (ou peut-être même de ta transformation sur la consommation de substances).

Étape 1 :

Dédie un horaire pour le numérique chaque jour 📲

Tu as bien lu, il peut être utile de dédier et de définir un temps d’écran. Une grande partie de notre utilisation se fait en pilote automatique, autrement dit, ce n’est pas une activité consciente et délibérée.

Étape 2 :

🧘Utilisation consciente des écrans

Au lieu d’utiliser ton téléphone dans les files d’attente ou aux passages piétons, trouve-toi un moment pour cette activité et concentre-toi vraiment dessus. Il peut également être utile de réfléchir à la raison pour laquelle tu allumes ton téléphone (par exemple pour envoyer un texto à ton adolescent), puis de ne faire que cela.

Étape 3 :

Mets tes notifications en sourdine 🔕

Nous avons parlé de la dopamine. C’est un produit neurochimique qui ne peut résister à l’appel du son d’une notification ou à la vue d’une bannière publicitaire. Désactive-les, sauf peut-être la sonnerie de ton ou ta partenaire, de ta mère ou de ton enfant 😉

Étape 4 :

Définis un espace écran dans la maison 🏡

Prends le contrôle de ton espace de vie en décidant d’un endroit où ton téléphone peut être utilisé. Choisis un endroit en dehors de la chambre à coucher. Laisse tes appareils se charger et se reposer à la fin de la journée. Si tu travailles sur l’ordinateur, essaye de changer d’activité à la fin de la journée.

Tu peux commencer par supprimer les courriels de travail et les notifications de Slack de ton téléphone. Si c’est possible, utilise un ordinateur dédié au travail et utilise un ordinateur personnel pour tes autres activités. Cette simple séparation peut signaler à ton cerveau qu’une machine similaire représente un état d’esprit et un objectif différent. Essaie d’être dans un environnement confortable, sans désagréments venus de l’extérieur, lorsque tu t’occupes des éléments de ton bien-être : la nutrition, la connexion à ce qui t’entoure, le sommeil, le mouvement et, oui, les activités numériques. L’objectif est de se sentir plus calme après s’être déconnecté des médias sociaux.

Tu constateras que tu es plus à même de te consacrer à une seule tâche à la fois, lorsque tu n’es pas assailli par les nombreuses attentes souvent imposées par la réalité virtuelle. En donnant à ton cerveau la possibilité de respirer entre deux stimulus, tu trouveras un espace de détente sain à la fin de la journée et lorsque tu auras besoin d’une pause. Soyons francs, nous sommes à l’ère du numérique. Mais en l’utilisant avec discernement, tu peux obtenir le calme, la clarté, la créativité et la gentillesse dont tu as besoin. 

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